Thérapie du Risque © Dr Joël Dehasse Médecin vétérinaire comportementaliste?
DVM, D-ECVBM-CA |
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IntroductionThérapie du risque et risques de la thérapie, telles sont les questions ! Je mettrais directement risque au pluriel : les risques. Ils sont multiples. Ils envahissent tous les espaces de la vie et donc aussi les espaces du cadre thérapeutique. Une fois analysés et évalués, il faut les gérer. Le risque ne se gère pas dans l’absolu. Il se gère dans ses expressions comportementales. C’est là l’objet de l’intervention du thérapeute, au niveau de l’animal, mais aussi du client et de son système, du thérapeute lui-même et de l’environnement. |
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Table des matières
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CitationYou risked
your life, but what else have you ever risked? Have you ever risked
disapproval? Have you ever risked a belief? I see nothing
particularly courageous in risking one's life. So you lose it, you
go to your hero's heaven and everything is milk and honey 'til the
end of time, right? You get your reward and suffer no earthly
consequences. That's not courage. Real courage is risking something
that you have to keep on living with, real courage is risking
something that might force you to rethink your thoughts and suffer
change and stretch consciousness. Real courage is risking one's
cliches.
Tom
Robbins |
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Définition
On ne peut faire la thérapie d’un concept qu’au niveau philosophique. En clinique, on propose des thérapies de comportements, d’émotions et de cognitions bien définies et précisées. |
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Système thérapeutique et risquesAnalyser le risqueAvant de parler des thérapies elles-mêmes, il me faut d’abord définir le système thérapeutique : animal – client(s) – thérapeute - environnement. On peut proposer une thérapie pour les comportements tels que définis dans le tableau suivant :Il y a 16 cases d’analyse du risque et de l’insécurité. Je choisis de parler ci-dessous de certains cas exemplatifs. Je laisse à chacun le soin de réfléchir sur chacune des 16 cases. L’analyse est rétrospective et heuristique ou statistique du type : « j’ai observé tel risque que je dois corréler à tel comportement induit par tel conseil / prescription / … » Évaluer le risqueAprès avoir défini le risque, il faut l’évaluer. On peut utiliser la matrice de risque de David Gluch dans A Construct for Describing Software Development Risks (appliqué aux softwares) : « un risque est la combinaison d’un événement anormal ou d’une mal-fonction et des ses conséquences sur les opérateurs, les utilisateurs ou l’environnement d’un système. » La matrice de risque définit plusieurs valeurs subjectives de risque de « bas » à « haut ». Matrice de risque Les différentes formes d’évaluation, par exemple la formule de dangerosité d’un chien qui a mordu (Dehasse 2002, 2003) peuvent être appliquées. Gérer le risqueUne fois analysé et évalué, le risque doit
être géré. C’est le but des thérapies des psychels (éléments
psychobiologiques : humeur, émotion, cognition, actes moteurs,
…) (Dehasse, 2002) à risque. Prévenir le risqueL’analyse de la prévention se fait par les méthodes suivantes :
Ensuite on met en place les méthodes de prévention adaptées comme dans la gestion du risque.
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Le risque en valeur absolue et relativeUn risque peut être défini en valeur absolue ou relative. La valeur absolue serait donnée par une situation oui/non, risque 0/1 dans une échelle de 0 à 1, sans valeur intermédiaire. Cette situation n’existe pas. En conclusion, tout comportement peut être considéré comme un risque avec une valeur relative que l’on peut estimer, évaluer ou calculer (si on a les échelles appropriées) entre 0 et 10 sur 10, ou 0 et 100 %. Thérapie du risque tel que défini par l’attente du clientLe risque étant relatif, il peut être défini
par le client même si le thérapeute n’en a pas la même évaluation
a priori.
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Les risques liés à l’animalThérapie du risque et de l’insécurité engendrés par les comportements de l’animalJe parlerai ici des comportements d’agression chez le chien. Je me limiterai à trois techniques :
La muselière peut être utilisée
comme outil de thérapie. Si le chien a appris à la porter (avec
renforcement positif), elle permet de réduire le danger pour
l’environnement ; elle permet aussi à l’environnement d’éviter
le contact avec le chien muselé et permet de cette façon de
respecter la distance de sécurité de l’animal, lui garantissant
ainsi plus de bien-être. D’autre part, utilisée lors
d’agression intraspécifique, la muselière force le chien muselé
à inventer de nouvelles stratégies de communication : fuite
ou jeu, par exemple. Le contreconditionnement est le conditionnement d’un comportement nouveau qui contrecarre le conditionnement actuel. Il s’agit bien
Exemple : « sit + look »
(avec ou sans clicker training) et renforcement positif. La thérapie par le jeu est, dans le cas
de comportements agressifs (voire dangereux), une thérapie
d’humeur et d’émotion. Au lieu de rentrer en symétrie ou en
complémentarité dans la proposition (théâtrale) du chien, le
propriétaire-thérapeute propose un autre script, tel qu’un jeu
extrêmement attirant pour le chien. Si le chien vient jouer avec le
maître, il oublie sa proposition agressive et tout le monde gagne.
Si le chien ne vient pas jouer, le propriétaire ne perd pas, le
chien non plus, donc le jeu est nul. Prévention des risques d’agressionComme le sujet de cet article est plus la thérapie que la prévention, je me limite à donner ici quelques points de prévention primaire:
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Les risques liés au clientThérapie des comportements risqués et dangereux du clientLe client (un des clients) peut produire des comportements dangereux pour lui-même, l’animal, le thérapeute ou l’environnement.
L’une des causes de ces comportements peut être :
Les thérapies proposables sont de type
Les autres thérapies me semblent réservées au psychothérapeute humain.
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Les risques liés au système thérapeutiqueThérapie de l’insécurité de la réussite de la thérapieVivre avec un animal (un conjoint, un parent, …) est une entreprise biologique à risque dont personne ne connaît l’avenir, sinon de façon statistique. Il n’est pas étonnant que les diseurs d’avenir fassent fortune, l’angoisse de l’humanité face à l’avenir est épouvantable. C’est également le cas dans la situation particulière de la thérapie (dite) comportementale. L’avenir individuel semble régi par la loi du chaos. Si un thérapeute réalise ses statistiques de réussite (et d’échec) [et rares sont ceux qui le font], il pourrait constater qu’il obtient entre 70 et 80% d’amélioration. Cela pourrait le rassurer. Cependant, pour le client et son animal, la chance de succès est seulement de 50%. En fait, cela marche ou cela ne marche pas ! Et si cela ne marche pas, cela peut même s’empirer. Et si cela marche, ce pourrait ne pas être satisfaisant. Nanti de ces prémisses, le thérapeute n’est certainement pas rassuré. Mais le problème de l’insécurité du thérapeute et du client est lié à leur attente à chacun. En effet, si l’on ne s’attendait pas à une amélioration, on n’aurait aucune insécurité. Il ne resterait que le travail de changement, base du travail thérapeutique. Le thérapeute s’engage à apporter de l’amélioration, et le client exige cette amélioration. C’est le contrat. C’est, suivant la loi, un contrat de moyens et pas un contrat de résultats. Sécurisation pour le thérapeute, mais cela n’arrange pas le client qui reste insécurisé. Si vous êtes un patient/client (et chacun est un patient qui s’ignore), vivez donc votre angoisse dès maintenant. Personne ne garantit que l’on trouvera une solution à votre maladie ou à votre problème un jour. Si vous êtes thérapeute, il y a des solutions pour vous apaiser.
D’autre part, il y a cette étrange étude de Carl Rogers qui démontre que le taux de succès dépend de l’empathie du thérapeute (à compétence équivalente):
La solution est évidente : devenez
empathique. La solution est donc dans l’entretien empathique et compétent, c’est à dire l’entretien motivationnel. Cet entretien évite le piège des résistances et du manque d’observance, puisque le client/patient réalise ce qu’il s’engage / est motivé à faire lui-même. Il reste que le vétérinaire thérapeute se sent concerné (responsable) par le bien-être animal et la sécurité du public enfants, famille, visiteurs, …).
Risque de l’euthanasie de l’animalL’euthanasie de l’animal est, bien entendu, un risque pour l’animal, mais nous ne pouvons déterminer le niveau de sa souffrance psychique ni s’il anticipe sa mort. Dès lors, les individus les plus concernés par la mort de l’animal sont les individus qui entourent cet animal, à savoir les membres de la famille, le thérapeute, l’environnement au sens large, y incluant les autres animaux.
Chacun de ces risques est à évaluer et à gérer de façon individuelle. Risque de l’éclatement du groupeLe groupe familial au sens restreint ou large peut éclater en fonction des interventions ou absences d’intervention, par exemple lors du maintien en vie ou de l’euthanasie de l’animal incriminé (animal symptôme) dans une dynamique systémique et lors de désaccord des différents membres du système familial. Il s’agit d’un événement de vie que l’on pourrait considérer comme un problème. Ce n’est pas au vétérinaire d’intervenir et de chercher des solutions à ce problème. Il peut néanmoins en signaler le risque à l’attention des membres de la famille.
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Les risques liés au thérapeuteLe thérapeute peut présenter des comportements à risque pour
Je ne parlerai que de quelques cas de figure. Thérapie de l’auto insécuritéC’est une demande fréquente des « jeunes » thérapeutes (des thérapeutes débutants) de vouloir savoir quelle thérapie ils vont prescrire avant même d’avoir discuté avec le client. Même les thérapeutes expérimentés ne savent pas ce qu’ils vont prescrire, par contre ils savent qu’ils vont pouvoir apporter une réponse, même si cette réponse est : « je n’ai pas de réponse, laissez moi réfléchir à la question quelques jours », ou « mais qu’est ce que je vais pouvoir vous prescrire ? je n’en sais rien ! ». C’est vrai qu’il faut oser, avoir du culot, c’est à dire être sûr de soi pour dire cela. Il y a la façon de le dire : « Les comportements de votre chien ne s’inscrivent pas dans les diagnostics habituels, ils est vraiment très spécial, et il mérite que je m’attarde à réfléchir quelques jours à son cas, … ». Si cela n’aide pas à résoudre l’insécurité du thérapeute, que lui conseiller ? D’aller en thérapie pour son manque de confiance en soi ? Ou tout simplement d’ « agir », c’est à dire de passer à l’action (thérapeutique) avec des cas simples et progressivement plus complexes, avec supervision, … C’est une thérapie du manque de confiance en soi du thérapeute. La compréhension suit l’expérience et non l’inverse. Si le thérapeute veut absolument apporter une réponse immédiate à son client, il a toujours la possibilité de recourir au « temps mort », à la « pause ». C’est un moment d’arrêt, pour réfléchir, téléphoner à son superviseur, demander un avis, regarder un bouquin, … et trouver une ébauche de réponse. Thérapie du risque de devoir changer soi-mêmeNotre meilleur professeur de communication est le client. C’est lui qui nous dit directement si nous l’écoutons, sommes empathiques ou si nous débloquons et si nous nous sentons supérieurs et lui donnons un avis d’expert qu’il ne peut ou ne veut pas entendre. Dès que le client nous informe que nous sommes à côté de la plaque, nous sommes en insécurité. Nous avons bien entendu le droit de réagir en symétrie et d’affirmer que nous avons raison et que nous savons mieux que lui/elle ce qui est bon pour lui/elle. Et comme le client résistera, il nous restera à le juger comme incompétent. L’alternative à l’escalade symétrique du jugement et de l’obscurantisme (du type « j’ai raison et je détruis la pseudo-connaissance d’autrui »), c’est la remise en question de soi, de ses opinions, de ses jugements, de ses croyances ; en somme c’est accepter de se changer soi-même. C’est là qu’intervient l’ « interférence proactive », c’est à dire la difficulté d’apprendre quelque chose de nouveau en raison d’une connaissance préalable, on pourrait dire en raison de conditionnements antérieurs. S’agit-il de se contreconditionner soi-même ? Il s’agit plutôt de se déconditionner et d’ouvrir la porte de la connaissance par humilité. Nous connaissons de nous-mêmes et du monde un modèle de la réalité qui est, elle, inaccessible et mystérieuse. Il y a de grands risques dans cette aventure, par exemple le risque de se découvrir soi-même tel que l’on est et non tel qu’on aimerait être, c’est à dire un être de croyances et d’illusions.
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ConclusionsLe risque est un sujet théorique (et philosophique) complexe. Tout comportement peut entraîner un risque et ce risque sera donc évalué par l’expert et géré individuellement. Quelques thérapies spécifiques peuvent être définies pour les comportements agressifs des chiens ou les comportements à risque des clients ou des thérapeutes.
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Références
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© Dr Joël Dehasse - www.joeldehasse.com 2006-05-08 |