L’interview de motivation empathique en médecine vétérinaire comportementale : l’exploration de D.C.P. dans la compréhension de l’observance, des succès ou des échecs en thérapie

© Dr Joël Dehasse

Médecin vétérinaire comportementaliste
3 avenue du Cosmonaute, 1150 Bruxelles. joel.dehasse@skynet.be
Conférence donnée au congrès Zoopsy de Marseille, le 8 octobre 2005

 

Introduction

Les études en psychothérapie (humaine) ont montré que les thérapeutes empathiques avaient de meilleurs résultats thérapeutiques que des experts non empathiques (Miller, Rollnick). Cette découverte peut être appliquée en médecine vétérinaire comportementale pour augmenter le niveau de satisfaction des propriétaires et du bien-être animal, ce dernier dépendant directement du premier. 

 

L’empathie et l’entretien de motivation

L’empathie, écrit Carl Rogers, « nécessite une écoute attentive et compétente qui clarifie et amplifie les expériences et signifiances de la personne, sans imposer le matériel de l’intervenant ».  Miller et Rollnick ont développé ce concept dans l’Interview de Motivation (IM) auquel j’emprunte quelques éléments de méthodologie. 

 

Les trois composants de la motivation : Désireux, Capable et Prêt (D.C.P .)

Trois éléments doivent être présents chez le propriétaire et l’animal si on désire induire un changement (thérapeutique) ; ils sont caractérisés par les qualificatifs : désireux, capable, prêt (D.C.P.).

Le désir (volonté ou résolution) de changement du propriétaire dépend de la balance des coûts et des bénéfices du statu quo et du changement. Sa capacité au changement doit être évaluée et les techniques de changement co-créées avec lui en fonction de ses propres compétences. Son niveau de préparation au changement montre ses priorités (il peut avoir d’autres priorités).

Le désir de changement de l’animal peut être provoqué et accru s’il perçoit des conséquences positives du changement. Ses compétences peuvent être améliorées en lui enseignant de nouveaux moyens de gérer les situations. Et sa préparation dépend aussi des priorités de son éthogramme et de ses stratégies (éventuellement instrumentalisées) et de la façon dont le système peut le motiver à être prêt. 

 

Le thérapeute motivant et empathique

Pour être habile en  IM, le thérapeute doit être D.C.P. pour ignorer ses propres agendas et désirs, particulièrement son réflexe de rectification (Prochaska, DiClemente). Il a tendance à corriger ce qu’il considère faux/mal, en fonction de sa propre vision du monde. Une empathie thérapeutique adéquate nécessite du thérapeute d’être désireux et prêt à inhiber son réflexe de rectification et d’être capable d’approcher et accepter le monde tel qu’il est modélisé par le client et son système. 

 

Techniques pour éviter la démotivation et augmenter la motivation

Au-delà de cet état d’être, il y a quelques techniques de communication qui aident le thérapeute à éviter la démotivation (tel qu’éviter d’argumenter, de critiquer et de savoir mieux que le client) et à augmenter la motivation (tel que d’être empathique, de soutenir le succès personnel et d’amplifier la différence entre coûts et bénéfices).

 

Les phases de motivation au changement

Prochaska et DiClemente ont résumé les phases de motivation au changement. Je les ai corrélées aux états de D.C.P.

Phase de changement

états de D.C.P.

Désireux

Capable

Prêt

Précontemplation

Non

Non

Non

Contemplation

Oui

Non

Non

Préparation

Oui

Non

Oui

Action

Oui

Oui

Oui

 

En matière de comportement, les vétérinaires généralistes reçoivent souvent des clients en phase de précontemplation ; les vétérinaires sont frustrés parce qu’ils ne peuvent implémenter des solutions ; la seule chose qu’ils puissent faire est d’augmenter le désir de changement de leurs clients.

Les spécialistes reçoivent plutôt des clients en phase de contemplation, désireux mais pas encore aptes et prêts au changement, particulièrement après avoir pris conscience du coût du changement. Ce n’est que dans la phase d’action que les clients mettent en place des stratégies de changement et obtiennent des résultats. C’est une des explications possibles pour le succès ou l’échec des thérapies proposées.

 

Conclusion

En conclusion, je suggère que, paradoxalement, pour aider les clients et leurs animaux, le thérapeute doit garder son expertise en partie cachée, éviter d’essayer de trouver des solutions immédiates et laisser les stratégies du changement être découvertes par le système thérapeutique (quand il est D.C.P .) avec des ébauches de solutions élégamment suggérées ci et là par l’expertise du thérapeute.

 

Références / Bibliographie

  • Miller WR, Rollnick S. Motivational interviewing. The Guilford Press, New-York, 2002

  • Rogers CR. 1959 in Miller WR, Rollnick S, 2002, p. 7.

  • Prochaska JO, DiClemente CC. Transtheoretical therapy : toward a more integrative model of change. Psychotherapy: theory, research and practice, 19, 276-288.

 

Mots clés

  • Motivation

  • Changement

  • Désireux

  • Capable

  • Prêt

 

© Dr Joël Dehasse - www.joeldehasse.com 2005-12-11