Hypersensibilité - Hyperactivité

Joël DEHASSE
DMV, Vétérinaire Comportementaliste (diplômé des ENV), Certificat en Interventions systémiques

Introduction

Le syndrome Hypersensibilité-Hyperactivité ou HS-HA a été codifié par Patrick Pageat (1995). Il décrit de façon rigoureuse un tableau clinique que l’on voit quotidiennement, celui de chiens nerveux, hyperactifs, hypervigilants, des chiens « tornades » (Dehasse 2000), et qui entraînent pour leur environnement physique et social des nuisances considérables. Un trouble comparable est décrit en psychiatrie humaine sous le nom de Trouble Hyperactivité avec Déficit de l’Attention. Des associations de consommateurs anglo-saxonnes prétendent que ce syndrome aurait été inventé pour pouvoir vendre du méthylphénidate, médicament prescrit semble-t-il en excès pour traiter ce trouble chez des enfants.

Présentation

Nala est un croisé berger belge Grœnendael de 3 ans, acquise en SPA à l’âge d’un an. Elle est présentée parce qu’elle saute sur les gens, ce qui dérange ses propriétaires de 70 et quelques ans. Au moment de l’acquisition, elle était hyperactive, détruisait, sautait sur tout et tout le monde, saisissait le bras de sa propriétaire pour la conduire de ci de là (il en résultait des hématomes). Depuis elle semble s’être contrôlée, elle peut saisir un biscuit avec délicatesse, mais il lui reste un très mauvais contrôle de ses émotions, particulièrement de ses états d’excitation qui dégénèrent en agression avec morsures à sang, notamment quand elle eut monter sur les genoux de son propriétaire et qu’elle est repoussée ou lorsqu’il refuse de jouer avec elle, qu’il pousse la balle du pied (elle lui mord le pied).

Ce cas n’est qu’un exemple par d’autres. Il est fréquent que le propriétaires consultent pour des problèmes d’épuisement personnel. Le chien est sans arrêt en demande d’interaction, et de plus dort généralement très peu, se réveillant pour un rien, aboyant, ou circulant la nuit et demander à jouer aux petites heures du matin. Un autre tableau se présente avec des chiens malpropres qui sont en fait trop distraits par tous les stimuli de l’environnement extérieur que pour prendre le temps d’éliminer et qui dès lors éliminent à la maison, dans un environnement bien connu, apaisant. Enfin, un quatrième tableau est celui des chiens qui ne supportent pas de rester seuls à la maison sans renouveler ou plutôt détériorer toute la décoration, généralement à coups de dents. Ces chiens semblent à peu près sous contrôle des propriétaires en leur présence mais s’en donnent à cœur joie pour exprimer leur hyperactivité une fois ce contrôle disparu.

Critères de diagnostic

Ils sont intégralement repris de Pageat (1995, 1998).

  1. Absence de contrôle de la morsure chez un chien âgé de plus de 2 mois.
  2. Incapacité à arrêter une séquence après la phase consommatoire ; au contraire, réapparition d’une phase appétitive.
  3. Hypervigilance associée à la production d’une séquence comportementale en présence de stimuli continuellement présents dans l’environnement de l’animal.
  4. Absence de satiété alimentaire.
  5. Diminution globale du temps de sommeil (<8h/24h), sans altération des cycles, ni anxiété hypnagogique.

Il y a deux stades d’évolution. Le premier stade regroupe les symptômes 1 à 3, le stade deux est caractérisé par les symptômes 1 à 5.

Discussion

Le contrôle de la morsure a une base génétique, certains chiens mordant fort, d’autre non. Mais ce contrôle subit un apprentissage par interaction avec la mère ou des chiens adultes (Dehasse 1999) et les humains éducateurs et doit aboutir à un contrôle correct des mises en gueule. La motricité générale subit également ce même type d’apprentissage. Et le contrôle de soi, lisez là dessous la capacité d’inhiber une action, est fondamental dans le processus d’habituation (apprentissage par habituation), indispensable pour le maintien de l’équilibre émotionnel.

Dans un modèle multifactoriel, on recherchera les multiples causes et facteurs d’entretien du trouble : élevage à distance des humains, séparation des chiots et de la mère, présence de chiens adultes équilibrés dans le milieu de croissance, génétique des parents, méthode d’éducation et techniques de jeux, etc.

Si je parle des facteurs d’entretien, c’est que le trouble évolue rarement vers une résolution spontanée. L’hypervigilance et le manque d’habituation facilitent les états anxieux. L’hyperactivité et le mordant facilitent les troubles avec agression et la dangerosité. La victoire de conflits et l’obtention de privilèges favorise les troubles de la hiérarchie. C’est dire qu’après quelques mois, une fois le chien pubère ou adulte, on se retrouve avec une situation dans laquelle s’entremêlent des éléments de différents troubles.

Traitement

Comme tout comportement est assujetti à une neuromédiation et une neuromodulation, il est élégant de prescrire un médicament qui réduira l’hyperactivité, l’hypervigilance, l’hyposomnie, et redonnera au chien un meilleur contrôle de ses mouvements et morsures. Ces médicaments existent et appartiennent à différentes familles de psychotropes. Les tentatives de traiter les chiens au méthylphénidate, comme les enfants hyperactifs, sont sans succès (Dehasse 2000). La sélégiline à 0,5 mg/kg est un premier choix, surtout chez les chiens jeunes. L’utilisation de modulateurs sérotoninergiques comme la fluvoxamine ( de 1 à 3 mg/kg 2 x/j en doses croissantes) et la fluoxetine (de 1 à 4 mg/kg/j en doses croissantes) est à réserver pour les cas sérieux et les chiens plus âgés. D’autres psychotropes sérotoninergiques se sont révélés inefficaces, c’est le cas de la sertraline (Dehasse 2000).

Médicamenter est une chose, mais c’est insuffisant. Il faut donner du contrôle au chien dans les interactions quotidiennes et particulièrement dans le jeu. Tous les jeux qui augmentent l’excitation, l’hyperactivité et le mordant doivent être réduits au profit des jeux qui permettent une meilleure régulation, comme le rapport avec lâcher d’objet (balle) qui force à l’ouverture de la gueule (plutôt que les jeux de traction sur corde qui renforcent le mordant). Des activités épuisantes ont été recommandées par certains auteurs mais elles ne donnent des effets qu’à court terme ; en effet le chien est entraîné comme un athlète à avoir une meilleure condition physique et à résister à l’effort de plus en plus longtemps.

Enfin, il faut donner au chien hyperactif un cadre de vie sociale très organisée pour éviter les dérapages hiérarchiques et anxieux.

Bibliographie

  • Dehasse J. 1999. The mother-puppy educational relationship. Proceedings of the 2nd world meeting on Ethology, Lyon, 21-22 Sept.

  • Dehasse J. 2000. Mon jeune chien a des problèmes. Le Jour, éditeur. Montréal.

  • Dehasse J. 2000. The use of methylphenidate in dogs. Proceedings of the AVSAB meeting, Salt Lake City, July 21rst.

  • Pageat P. 1995, 1998. Pathologie du comportement du chien. Éditions du Point Vétérinaire.

 


Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste
www.joeldehasse.com