L'HEREDITE DE LA VIOLENCE

© Dr Joel Dehasse (dvm) - Brussels - 
http://www.joeldehasse.com/a-francais/her-violence.html
Texte posté sur Internet le 22 juin 1997

Dr. Joël Dehasse, Bruxelles
Conférence donnée à Porquerolles, dans le cadre du GECAF, en 1995

 


Introduction

L'hérédité est plus qu'une transmission de caractères génétiques, c'est aussi une transmission physique, affective et morale des ascendants aux descendants, par des voies biologiques, sociales (voie de succession) et culturelles (héritage culturel). Un caractère est héritable, écrit A. Jacquard (1978, in J. Caston, 1993) "lorsqu'une certaine ressemblance est constatée entre les parents et les enfants, ou plus généralement entre les individus ayant un lien parental suffisamment étroit. Il s'agit donc d'un concept défini dans l'univers des phénotypes, c'est à dire de ce qui est directement sensible, visible." Et d'ajouter "un caractère génétique n'est pas nécessairement héritable." Le sexe par exemple.

Le titre de cette conférence permet de développer un double sujet.
Le premier (l' hérédité de la violence ) analysera l'hérédité de caractéristiques qui aboutissent aux comportements agressifs, impulsifs, violents. On tiendra en mémoire que la violence (sauf l'automutilation et le suicide) n'existe que dans l'interaction sociale et qu'elle est affectée par l'hérédité des différents acteurs.
Le second sujet (la violence de l'hérédité ) concernera les contraintes qu'impose l'hérédité, et présentera notamment en quoi l'héritage culturel (la représentation fantasmatique) "fait violence", c'est à dire façonne le comportement.

L'hérédité de la violence

Différentes caractéristiques de la violence sont héritables et héritées, par des voies biologiques (génétique et émotionnelle), sociales et culturelles.

Génotype et agressivité

Les généticiens ont évolué depuis la découverte par Humphrey et Warner (1934) du gène de la "peur du coup de fusil" chez le berger allemand, ainsi que du gène de la "peur du coup de bâton", avec un locus simple et deux allèles.
Dans leur énorme travail expérimental sur la génétique des comportements de chiens en milieu standardisé, Scott et Fuller (1945-1965) ont émis une hypothèse d'hérédité monogénique dominante du caractère "sauvage" du basenji face au caractère récessif "docile" du cocker. B, F1 et F1xB sont comparables, F1xC est intermédiaire.
L'intolérance de la contrainte dans un test de marche en laisse démontrerait plutôt une hérédité monogénique sans dominance.
Le seuil d'activation des jeux de combats entre chiots et expérimentateur semblerait dépendre d'une hérédité bigénique.
L'aboiement du cocker lors d'un test de compétition pour un os à 5, 11, et 15 semaines est intense (68% du temps d'observation, soit jusqu'à 90 aboiements/minute); celui du basenji est faible (20% du temps d'observation). L'aboiement semble s'hériter comme un gène dominant à locus simple.

L'analyse de l'hérédité peut être faite sur une caractéristique comportementale isolée. Mais, en général, s'il existe une hérédité oligogénique (peu de gènes responsables), elle est toujours pléiomorphique (responsable de nombreux paramètres).
Chez le renard argenté, le taux de sérotonine encéphalique est supérieur chez l'espèce domestiquée par rapport à l'espèce sauvage, et chez l'animal sociable par rapport à l'animal agressif (et ce taux est lié à l'activité de l'enzyme tryptophane hydroxylase). Il existe donc une modification du taux de neuromédiateurs chez l'animal domestiqué par sélection artificielle sur des critères comportementaux. Mais cette domestication a aussi induit une perte de l'aspect saisonnier du cycle sexuel, et une prolongation dans la durée de la période de socialisation primaire (Serpell). Ce dernier effet est sans doute responsable de la plus grande sociabilité interspécifique du renard domestiqué.


Renard argenté
sauvage/agressif
domestiqué/sociable
taux de 5HT
+
+++
longueur de Socialisation 1aire
+
+++
cycle sexuel
saisonnier
non saisonnier


Même si une caractéristique est héritée génétiquement, elle n'en subit pas moins les contraintes de l'ontogenèse sous la pression façonnante de l'environnement. Dès lors il est plus intéressant de parler du taux d' héritabilité . Les calculs d'héritabilité aboutissent à des moyennes de 5 à 20% pour les caractéristiques comportementales.
En Suède, les bergers allemands de l'armée ont été testés pour différents critères. Dans le domaine des comportements agonistiques, relevons les "jeux de combat" et l'"exploration d'objets inconnus" étudiés à l'âge de 8 semaines par Fält, Swenson et Wilson (1982), en relation avec les ascendants.

Père
Mère
Jeux de combat
0.11
0.76
Exploration ...
0.31
0.83

La majorité des auteurs s'accorde pour dire qu'il n'existe aucune corrélation entre trait comportemental et caractéristique physique, notamment les caractéristiques du pelage. Bien entendu, le gène merle induit chez les homozygotes des altérations sensorielles (vision et audition) qui doivent avoir des répercussions comportementales. De même un chat blanc aux yeux bleus souffre généralement de surdité, ce qui affecte le comportement maternel et aboutit parfois à du cannibalisme.

Certaines expériences en laboratoire jettent un regard plus précis sur l'hérédité des comportements d'agression. Pierre Karli cite à ce sujet l'élevage des souris albinos Swiss par les Lagerspetz, ayant permis de différencier dès la deuxième génération une lignée "agressive" et une lignée "non agressive", sans modification par adoption croisée. Les souris "agressives" présentaient aussi une activité locomotrice plus importante et un niveau d'éveil comportemental plus élevé (pleiomorphisme). L'agressivité intermâle était corrélée avec des gènes situés sur le chromosome Y, un poids supérieur des testicules et un taux plasmatique plus élevé de testostérone en période pubertaire.
Les comportements agonistique sont réduits par l'apprentissage social. La souris C 57 BL/10 est plus sensible aux expériences précoces.
Scott et Fuller avaient déjà remarqué, sans pouvoir le chiffrer, la différence entre les capacités de socialisation des basenjis et celle des autres chiens: les basenjis avaient besoin de cinq fois plus de (temps de) contacts sociaux que les autres pour obtenir le même degré de socialisation.
C'est un des facteurs dont il faudrait étudier l'héritabilité race par race chez le chien et le chat.

Chez l'homme, de nombreuses polémiques ont éclaté sur le "chromosome du crime", ce chromosome Y surnuméraire qui avait été détecté dans les années 1965 dans des institutions pour criminels et violents à une fréquence jusqu'à 35 fois la fréquence de la population générale (soit 3,5% au lieu de 0,1%). Ces hommes XYY sont souvent de grande taille, présentent un retard mental variable, de l'hyper- ou de l'hypo-gonadisme. Les avocats se sont jetés sur cette théorie, tentant de faire bénéficier leur clientèle de circonstances atténuantes. Mais finalement d'une étude contradictoire à l'autre, l'hypothèse du chromosome du crime est tombée dans l'oubli.

L'hypothèse d'une transmission héréditaire reste d'actualité dans diverses pathologies où l'agression est fréquente. C'est le cas des dysthymies chez le chat abyssin et le chien cocker spaniel. P. Pageat (1995) cite plusieurs races dans lesquelles on retrouve une incidence accrue de dysthymie unipolaire, à savoir le berger des Pyrénées, le bull-terrier, le doberman, le westie et le bichon frisé.


En médecine humaine, des facteurs héréditaires sont mis en avant dans la psychose maniaco-dépressive, puisque le risque qui est de 0,4 à 1% dans la population générale, monte à 17 à 41% chez les enfants de malades (Stenstedt 1952, in Guelfi 1988). Le risque varie de 0 à 38,8% chez les jumeaux dizygotes et de 50 à 92,6% chez les jumeaux monozygotes. Des hypothèses en faveur d'une localisation sur le chromosome X ont été émises étant donnée l'incidence de deux femmes pour un homme, de la rareté de transmission de père à fils, de la fréquence de transmission de mère à fille, et de l'augmentation par quatre du risque chez les soeurs par rapport aux frères. Par l'étude de marqueurs génétiques situés sur le chromosome X, on a pu confirmer une transmission oligogénique, voire monogénique, de type dominante, liée au chromosome X.
L'existence d'un facteur génétique est également confirmé pour la schizophrénie.

Chez le chien d'autres sensibilités raciales existent pour le syndrome HS-HA (hypersensibilité-hyperactivité), chez le fox terrier, le labrador, les bergers belges et le berger des Pyrénées, mais dans ces races P. Pageat n'a pas pu mettre de corrélation génétique en évidence, mais bien une corrélation avec les conditions d'élevage, l'âge de la séparation de la mère avec la nichée, la tolérance de la mère, la taille de la nichée, ...

En paraphrasant Jean Caston, nous dirons qu'il existe une prédisposition génétique aux pathologies comportementales; cela ne veut pas dire qu'elles sont transmises génétiquement selon un modèle mendélien. Seul le terrain a une probabilité d'être hérité. Cette fragilité ne s'exprime dans le phénotype que si le milieu le permet. L'environnement a un pouvoir de répression ou de dérépression génétique, c'est à dire qu'il peut empêcher ou favoriser l'expression d'un gène.

Discussions - Conclusions

Pour Scott et Fuller, les facteurs héréditaires affectent les procédures de développement du cerveau et des organes sensoriels, et dès lors des procédés d'apprentissage qui sont à la base des élaborations des relations avec les individus et l'environnement inanimé.
Pour Scott, l'hérédité génétique produit ses effets par l'intermédiaire de modifications anatomiques, physiologiques, biochimiques et par la modification des seuils de réaction et des capacités d'apprentissage.
L'instinct ou l'activité innée, défini comme "un comportement dont le fondement est héréditaire et enregistré dans le patrimoine génétique", est désormais une notion désuète. Les gènes ne créent pas les comportements; cependant ils les modifient et permettent d'intensifier les différences entre les familles, les lignées, les races et les espèces. L'apprentissage joue exactement le même rôle modificateur sans rôle créateur.

Transmission phénotypique prénatale de l'agressivité

Une adoption néonatale d'une nichée d'une mère présentant un comportement incriminé, par une mère ne présentant pas cette caractéristique, n'est pas encore une garantie pour que le comportement soit transmis par voie génétique.
Des influences prénatales vont peser sur le devenir des individus. vom Saal (1984, in Archer 1988) a montré que l'agression maternelle de défense de la nichée dépend de la place du souriceau femelle dans la matrice; si le souriceau était placé entre deux mâles, l'agression maternelle ultérieure sera plus intense que s'il est placé entre un mâle et une femelle ou entre deux femelles. Elle sera aussi moins fertile. Il émet l'hypothèse que c'est lié au taux d'androgènes qui baignent le cerveau du foetus femelle. Un stress prénatal induit une augmentation considérable du niveau de testostérone foetale au jour 17 de la gestation. Contradictoire est l'expérience de Politch et Herrenkohl (1979, in Archer 1988) qui ont montré qu'un stress prénatal (chaleur, contrainte et lumières intenses) réduit le nombre d'agression d'une souris-mère envers un mâle intrus au cours de la première lactation.
Par contre, des souris mâles ayant eu une vie foetale entre deux mâles montrent moins de tendances infanticides que des mâles situés dans d'autres positions. Pour Harvey et Chevins (1985) et Kinsley et Svare (1986), un stress prénatal réduit l'agression des souris mâles.
La différentiation sexuelle du cerveau est sous dépendance endocrinienne. Elle se fait pendant une période critique du développement. Chez le rat, elle se passe de 8 jours avant- à 10 jours après la naissance (gestation de 21 jours). Chez le cobaye, elle se fait in utero entre le 30e et 40e jours de gestation (de 62 jours). Chez l'homme, elle se ferait entre le 3e et 4e mois de gestation. Le plus curieux est que l'hormone masculinisante est l'oestradiol; en fait la testostérone est transformée en oestradiol au niveau des neurones cibles. L'oestradiol maternel est inhibé par une enzyme foetale. Et la différence entre mâles et femelles vient dans le niveau d'oestradiol: faible concentration, féminisation; forte concentration, masculinisation. (J. Caston, 1993).
Tout ceci n'est jamais qu'une simplification excessive liée à un manque de connaissances. Hormones et neurotransmetteurs interviennent dans la neurogenèse et dans sa régulation temporelle, de façon coordonnée. Il n'est pas étonnant qu'un "grain de sable" quelconque vienne altérer cette délicate machinerie.
Quelque soit la résultante, il est démontré qu'un effet épigénétique prénatal existe.

Transmission phénotypique postnatale de l'agressivité

Chez l'homme, Jean Caston écrit que "la probabilité que des enfants adoptés manifestent des psychoses dépressives est beaucoup plus grande lorsque les parents biologiques sont psychotiques que quand ils ne le sont pas et les suicides sont 6 à 10 fois plus nombreux" (1993).
Chez le rat et la souris, l'adoption croisée (cross-fostering) d'un nouveau-né d'une lignée non agressive par une mère d'une lignée plus agressive, accroît le niveau d'agressivité ultérieure du jeune adopté par rapport à ses frères et soeurs restés avec leur mère.

Plus tard au cours de l'existence, d'autres héritages peuvent avoir lieu. Dans l'espèce féline, en milieu rural, les chattes vivent en matriarcats hiérarchisés par répartition de l'espace en dominantes centrales et dominées périphériques. Les portions territoriales des filles sont à proximité du territoire de leur mère, c'est à dire qu'il existe un héritage du statut hiérarchique .

Les sociétés humaines changent à une vitesse croissante. Or les changements biologiques sont eux beaucoup plus lents. Il est inévitable que des tensions croissantes existent entre les lois biologiques et les lois culturelles.
Pour Scott et Fuller (p.433), avec le brassage global des populations humaines, on observe une réduction de la différentiation entre les petites sous-populations humaines et un accroissement de la différentiation entre les individus d'une même population. Cela réduit la vitesse des changements biologiques chez l'homme alors que pour le chien il en est totalement autrement. En leur offrant des microcosmes de plus en plus nombreux et en réduisant les accouplements intervariétés, on augmente la différentiation des variétés de chiens.

La violence de l'hérédité

Dans cette partie nous prendrons le mot violence dans son interprétation "faire violence à", c'est à dire "interpréter de manière forcée, dénaturer - contraindre par la force". Je montrerai comment les individus sont moulés dans l'image fantasmée de ce que l'on attend d'eux. Je me limiterai aux images raciales sans parler de la "violence" façonnante exercée sur le chien ou l'enfant de remplacement , dans sa dynamique familiale.
L'image raciale, le symbole racial, est lié au réductionnisme de l'imagination: le berger allemand et le rottweiler sont agressifs, le labrador est calme et gentil avec les enfants - autant d'images aussi vraies que fausses - et façonnantes.

Hart et Hart (1970, 1985) ont procédé à une élaboration de profils raciaux soit par discussion informelle (chez le chat) soit par questionnaire avec choix multiples auquel ont répondu une centaine de juges de races et de vétérinaires petits animaux (chez le chien). Il en résulte généralement des informations intéressantes sur le plan fantasmatique et affligeantes sur le plan scientifique. Dans ce classement, les Hart appellent "agressivité": la défense territoriale, l'agression entre chiens et la dominance sur les propriétaires. Ils nomment "réactivité", la demande d'affection, l'excitation, les aboiements, les morsures sur enfants, l'activité générale.
Parmi les chiens réputés agressifs, classés dans le groupe 6 (faible réactivité, forte agressivité, bonnes capacités de dressage) on trouve le berger allemand, le rottweiler, le doberman et l'akita inu. Les agressifs classés en groupe 3 (faible réactivité, faible éducabilité) sont le saint Bernard, le husky, le boxer, le dogue allemand, ...
Ils regroupent en catégorie 7 l'ensemble des terriers, le teckel, le schnauzer, définis comme réactifs, très agressifs et moyennement dressables.
Parmi les non-agressifs, on retrouve le labrador en catégorie 5, avec le golden retriever et le collie. En catégorie 2, parmi les chiens très peu agressifs, on découvre le bobtail, le bloodhound et le basset hound.

La somme d'une centaine d'avis subjectifs ne donne pas un avis objectif. Mais nous pouvons considérer qu'il s'agit du profil fantasmatique accepté par la population américaine. Par contre nous ne pouvons être d'accord avec les Hart qui conseillent de se baser sur ces profils afin de recommander des chiens comme compagnons familiaux. Ce serait faire du raisonnement circulaire.

Nous pouvons directement confronter ces résultats avec l'incidence des races pour lesquelles la clientèle consulte pour comportement agressif. Dans ma consultation à Bruxelles, sur une rétrospective de plusieurs années, faite en 1990, le labrador vient en tête, avec les bergers belges. Le berger allemand est sous-représenté. Je n'affirmerai pas pour autant que les labradors sont plus agressifs que les bergers allemands, mais bien que la divergence entre la réalité et l'attente est plus importante pour le labrador que le berger allemand.
En 1982, Lauer et alii ont publié une rétrospective sur les morsures d'enfants par les chiens. L'enquête porte sur 190 chiens (enquête épidémiologique dans l'environnement de Denver (Colorado), où 20% des enfants se sont fait mordre par un chien (16,5% de ces plaies, soit 3% des enfants, nécessitant des sutures)). Les auteurs obtiennent des résultats significatifs pour deux races: le Berger allemand (possession 21%, morsures 34%) et le Labrador retriever (possession 28%, morsures 4%). Le rapport (relativisé à la population) BA-L est de 11,4: les bergers allemands du Colorado en 1982 mordaient 11 fois plus les enfants que les labradors.

Ces chiffres reflètent-ils une hérédité génotypique, une hérédité phénotypique, ou encore un façonnement du chien à l'image qu'il se doit d'avoir dans notre société?
Je serais tenté de parier pour la dernière hypothèse.
Connaissant la faible héritabilité des tendances comportementales ou tempéramentales (5 à 20%) et l'importance considérable de l'environnement sur l'ontogenèse comportementale, on peut à priori conclure sur le forçage, la dénaturation des chiens afin qu'ils correspondent à l'image acceptée ou fantasmée par les propriétaires.

Les seules études qui donnent quelque crédit à un accroissement d'agressivité sont des études chiffrées. P. Pageat (1984) a étudié l'indice d'agressivité globale chez les fox et les cockers en France dans le début des années 1980. Il aboutit à une répartition de la population (Y) en fonction de l'indice d'agressivité (X) en courbe de Gauss, avec un déplacement vers la droite (vers les indices d'agressivité supérieurs) pour le fox à poil dur par rapport au fox à poil lisse, et pour le cocker spaniel golden par rapport au cocker spaniel tricolore.
Les explications fournies par P. Pageat étaient différentes pour les deux races. Le mordant du fox à poil dur semblait intentionnellement recherché pour la chasse aux "puants". L'agressivité du cocker serait due à une production accrue et une consanguinité mal contrôlée suite à la vogue du cocker, sous l'influence médiatique du film de W. Disney "la belle et le clochard".
Ces profils étaient valables pour les races en question au début des années 1980. Il ne l'est probablement plus maintenant.
Les phénomènes de mode, ce qu'on pourrait appeler la "violence" de la mode (un des éléments de notre héritage culturel), semble induire systématiquement des accroissements d'agressivité globale dans les races canines concernées. S'agit-il réellement d'un accroissement d'agressivité dans la race ou d'une incompétence des propriétaires, qui se soumettent au phénomène de mode, à éduquer leur chien? Un profil de ces propriétaires serait intéressant.

Discussion - Conclusions

Tout comportement présente une base génétique indubitable ainsi qu'une composante environnementale. C'est le mélange des deux qui permet d'obtenir autant de "cocktails" différents qu'il y a d'individus. La sélection a intensifié ou atténué des traits comportementaux mais n'a rien créé de nouveau, ce qui fait que l'ensemble des races de chiens sont polymorphes au niveau du tempérament et possèdent un pool génétique varié commun. Par exemple, la sélection peut avoir porté sur le seuil de déclenchement d'un comportement.
L'hérédité affecte l'activation émotionnelle et les seuils de motivation. Scott et Fuller n'ont pas pu démontrer, chez le chien, la transmission héréditaire de la résolution de problèmes d'apprentissage et sont forcés de conclure que les enfants ressemblent à leurs parents d'avantage en personnalité qu'en intelligence .
Les généticiens du début du siècle ont recherché des caractéristiques monogéniques produisant des phénotypes caricaturaux (tout ou rien); cette idée reste ancrée dans la population et est à la base de la tendance de la détermination d'un profil racial, d'un "type" comportemental. La tendance scientifique actuelle est d'étudier la population et d'en retirer des tendances, des moyennes, des variances. Cependant nous resterons encore longtemps confrontés en clientèle avec l'affirmation des types raciaux (les labradors sont gentils, les beaucerons sont peureux ou agressifs, les bergers allemands sont agressifs, etc.) et il sera très difficile de modifier cet apriorisme fantasmatique populaire.

Quelques références:

  • Caston Jean. Psychophysiologie , Edition Ellipses, Paris, 1993.
  • Pageat P. Pathologie du comportement du chien , Editions du Point Vétérinaire, Alfort (France, 1995.
  • Scott John P. & Fuller John L. (1974): Dog Behavior: The Genetic Basis , The University of Chicago Press, 1965, Phoenix Edition 1974. U.S.A.; 468 p.



Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste
www.joeldehasse.com