Thérapies alternatives des troubles hiérarchiques

Vision alternative sur le modèle hiérarchique

© Dr Joël Dehasse

Texte d'une conférence donnée aux vétérinaires comportementalistes (Zoopsy) à Leysin (Suisse) le  20 janvier 2006. 
Il s'agit essentiellement d'une vision alternative sur les groupes sociaux humains animaux avec la question, pour moi essentielle, suivante:
a-t-on besoin de la croyance hiérarchique pour bien vivre avec ses animaux ou, pourquoi pas, entre humains?  

Introduction

Avant de proposer des thérapies alternatives pour les troubles hiérarchiques, il faut définir si ces derniers existent et à quel modèle de la hiérarchie ils sont attachés. Dans le cas où le modèle de la hiérarchie n’est pas universel ni indispensable, on peut envisager d’autres modèles qui peuvent instiguer la découverte de nouvelles stratégies de changement.

 

Méta-vision sur le modèle hiérarchique

 

De l’interaction sociale à la modélisation hiérarchique

D’abord, je me pose une question qui me semble essentielle : la hiérarchie existe-t-elle ? Il y a des individus (humains, chiens, chats) qui présentent des postures hautes, gagnent des conflits et ont des privilèges et d’autres qui présentent des postures basses, perdent des conflits et n’ont pas de privilèges ; les uns et les autres vivent dans un groupe cohésif. Il y a donc dans ce groupe une composante d’attraction (attachement et dépendance) et une composante de distanciation (conflits); la gestion des conflits se fait par les comportements agonistiques (agression, espacement, apaisement et soumission). Ce groupe d’individus en interaction est donc organisé en un système intégré de relations. On y retrouve une dominance agonistique liée aux contextes et rarement généralisée. On pourrait appeler cela une hiérarchie. C’est une modélisation qui nous permet de structurer nos pensées mais ne correspond pas spécialement à la réalité de la vie du chien ou du chat.

 

 

De la simple observation de relations sociales asymétriques à la modélisation d’une hiérarchie de dominance, il y a de nombreuses inférences cognitives. Envisager alors des troubles de la hiérarchie est une nouvelle inférence. Le seul intérêt est d’inventer des stratégies de changement et de vérifier si elles sont fonctionnelles, sans pour autant que cette fonctionnalité ne vienne valider la modélisation (tautologie).

La seconde question que je me pose est la suivante: a-t-on réellement besoin du modèle de la hiérarchie, du moins dans les systèmes humains-chiens et humains-chats ? C’est à cette question qu’il faut répondre avant même d’imaginer des stratégies pour des thérapies de troubles hiérarchiques.

Troisième question si on accepte le modèle hiérarchique: y a-t-il des troubles de la hiérarchie ?

La hiérarchie est une conceptualisation d’une organisation de système ; s’il y a un trouble de la hiérarchie, il ne peut dès lors qu’être systémique. Trouble signifiant pathologie, c’est donc qu’il y a une pathologie issue dans le système. Le système est composé d’individus et des relations qui les lient. On doit donc trouver la pathologie chez les individus et/ou dans les liens. C’est là que commencent les surinterprétations théoriques, les sur-modélisations, chacune engendrant ses propres hypothèses thérapeutiques. Dans l’exemple type des groupes humains-chiens, elles sont, au minimum, de trois types :

q       Interprétation duelle : dans ce modèle, le problème est la faute de l’un des protagonistes, l’autre devenant la victime.

§         Le chien est plus dominant que son maître parce que plus actif, proactif ou agressif, parce qu’il obtient des privilèges, etc. Il convient donc de rendre le chien moins dominant – de le soumettre – et de rendre le maître plus dominant par diverses techniques.

§         Le chien est trop soumis et le maître trop dominant… Il convient de rendre le chien moins soumis et le maître moins dominant par des techniques bien connues.

q       Interprétation systémique : le problème n’est pas tant dans un rapport de valeur/force que dans une utilisation par le système de ces valeurs/forces pour s’équilibrer. Ce sont plutôt les relations et les utilisations de ces relations dans le système qu’il faut analyser et proposer de changer pour provoquer une crise qui, en se résolvant, entraînera un nouvel équilibre. C’est le siège des thérapies cognitives et systémiques structuralistes, constructivistes…

q       Interprétation anthropomimétique : on applique à l’animal des interprétations anthropomimétiques afin de décoder ce que l’on observe ; on interprète l’organisation des systèmes humains-chiens sous l’angle hiérarchique parce que nous, humains, sommes organisés de cette façon. Dès lors nous imposons au chien cette organisation. Comme la hiérarchisation est une obsession humaine, il est normal que (presque) toutes relations entre humains et chiens soient envisagées sous l’angle hiérarchique.

§         Dans cette vision hiérarchique obsessionnelle humaine, il semble impératif de soumettre le chien à son maître. Cet aspect impératif est non adaptatif, et donc pathologique, et induit … un trouble de la hiérarchie. C’est alors la vision qui entraîne le trouble et non la situation réelle.

 

Dans l’exemple des groupes de chiens, une interprétation duelle ou systémique peut être envisagée. Dans les groupes de chats, on peut en envisager l’hypothèse. Dans les groupes humains-chats, on ne se pose généralement même pas l’hypothèse. Le chat semble échapper à l’application anthropomimétique de la hiérarchie. Le fait que l’on modélise l’organisation sociale des humains avec des chiens sous forme hiérarchique, et pas celle avec les chats, démontre une forte connotation subjective humaine dans ce procédé.

 

Charge anthropomimétique sur le modèle hiérarchique

Le simple fait de parler de la hiérarchie montre déjà qu’il y a une ‘charge’ sur le sujet. Cette charge signifie que ce thème est important dans la conscience de celui qui en parle. La question que je me pose est alors la suivante : le modèle hiérarchique représente-t-il plus son auteur, c’est à dire l’observateur, que les sujets observés ? Si je réponds par ‘oui’, je rentre dans la psychologie et la sociologie humaine plus que dans l’éthologie animale.

Le thème de la hiérarchie est chargé historiquement. Le mot hiérarchie vient du grec ‘hieros’ (sacré) et ‘arkhê’ (commandement). On a dans ce mot une partie de l’histoire du monde, qui établit la préséance du sacré sur le profane, et donne le pouvoir au détenteur du sacré (c’est à dire à celui qui se l’est approprié); c’est l’origine des religions, du pouvoir ecclésiastique et des guerres de religion.

Le mot hiérarchie a aujourd’hui perdu son aspect sacré, il est devenu laïc, profane. On parle de ‘hiérarchie de dominance’ (ce qui, étymologiquement n’a plus de sens : ‘pouvoir sacré de dominance’), mais quelle dominance ? Celle du sacré de l’homme sur l’animal sans âme ? Celle, dans une vision discontinuiste, de l’intelligence de l’homme sur l’animal machine ? Celle du propriétaire humain sur l’animal objet ? Celle du maître humain, c’est à dire celui qui a soi-disant la maîtrise (les compétences et le savoir) sur l’animal élève, évidemment cognitivement déficient ? Celle de l’humain qui (croit qu’il) a la direction de sa vie (leadership) sur l’animal (rendu) dépendant de lui ? Celle du parent sur son enfant ?

Dans l’entendement populaire habituel (et non dans l’entendement éthologique), la hiérarchie de dominance appliquée par l’homme à l’animal devient une classification de pouvoir de contrôle. Cela signifie que l’un (humain) commande, ordonne, impose, décide, contrôle et a la priorité (et les privilèges) sur l’autre (animal).

Tout cela est une histoire de prise de pouvoir. C’est une obsession, un véritable TOC humain[i], appliquée aux chiens.

Et cela se reflète dans les techniques éducatives appliquées aux chiens. Curieusement, une fois encore, le chat échappe à ce TOC.

 

Discussion sur l’universalité du modèle hiérarchique

Trois notions simples remettent en question l’universalité, l’utilité et l’utilisation du modèle du pouvoir-contrôle:

q       Le renforcement positif : il a remplacé de façon intéressante l’éducation autoritaire ; son efficacité permet d’éduquer même les chiens (dits) dominants[ii].

q       La motivation : elle permet une vision alternative des facteurs qui sous-tendent un comportement, notamment les comportements d’agression compétitive, qui sont intégrés dans le modèle hiérarchique classique : le chien peut entrer en compétition avec l’humain pour autre chose que des privilèges qui définissent un statut social.

q       La coopération : elle permet une répartition des fonctions et des décisions en fonction des compétences pour une meilleure efficacité de la tâche dans un processus d’entraide.

 

Le modèle alternatif, que je propose en complément ou remplacement du modèle hiérarchique, sera basé sur ces notions ; s’il fallait lui trouver un intitulé, je dirais que c’est un  modèle motivationnel-coopératif.

 

Discussion sur les diagnostics dans le modèle hiérarchique

Groupes humains-chiens

Il y a deux diagnostics prééminents dans le monde de la vision hiérarchique, ce sont la « Sociopathie » de Pageat et la « Dominance aggression » des anglo-saxons. Le second trouble est sérieusement critiqué depuis des années et tombe en désuétude, tellement il s’est éloigné des définitions éthologiques de départ – les agressions de duel dans un groupe social – et l’interprétation finale : les agressions du chien à l’encontre des humains.

Le premier trouble, la Sociopathie, est critiquable par son intitulé qui reprend une terminologie de la psychiatrie humaine, tout en changeant totalement sa signification ; par contre la description du trouble n’a rien de discutable si on l’accepte comme un modèle (non validé). Son intérêt vient plus de son adoption par un groupe de vétérinaires (francophiles). Il y aurait là matière à étude sociologique.

Le trouble « Sociopathie » de P. Pageat décrit un trouble anxieux, lié à des problèmes relationnels d’ambivalence sur le statut, sur les privilèges et sur les comportements dominants dans un système. Il se situe curieusement dans une vision duelle : le chien est désigné comme le porteur de la pathologie ; il sera donc le sujet du traitement de la « régression sociale dirigée» (ou RSD), qui peut être interprétée, comme son intitulé l’indique, comme une régression sociale (c’est à dire une perte de statut social[iii]), mais aussi comme une clarification de la communication par une réduction des ambivalences et, enfin, comme une interdiction quasi complète des initiatives[iv]. L’efficacité de cette thérapie n’est pas remise en question ; elle pourrait néanmoins être sujette à une validation scientifique et à une analyse de corrélation avec une des hypothèses de modélisations suggérées ci-dessus. L’efficacité de cette stratégie thérapeutique ne confirme pas le modèle hiérarchique.

Le trouble « Sociopathie » est un exemple type d’un des nombreux troubles hiérarchiques possibles. En effet, on parle généralement des chiens dominants (ou des challengers) et on oublie systématiquement la problématique des chiens hypersoumis, classée (quand elle est reconnue) plus dans les troubles anxieux ou dépressifs, que dans les troubles (systémiques) hiérarchiques.

Si on croit à la nécessité d’une structuration de pouvoir et/ou contrôle dans les systèmes humains-animaux, avec la revendication d’une position supérieure des humains et inférieure des animaux, alors on peut décrire différents troubles de cette structure ; en voici quelques exemples, non exhaustifs, basés sur le statut dominant, soumis ou indifférent[v] des protagonistes et sur la clarté ou l’ambivalence de leur communication (relation). 

 

 

Humain

Animal

Communication

Trouble hiérarchique

Statut

Dominant

Indifférent

Claire

Absent

Dominant

Dominant

Claire

Conflit de challenge

Dominant

Soumis

Claire

Anxiété/dépression de l’animal

Soumis

Dominant

Claire

Absent

Soumis

Soumis

Claire

Absent

Indifférent

Indifférent

Claire

Absent

Dominant

Indifférent

Ambivalent

Anxiété

Dominant

Dominant

Ambivalent

« Sociopathie » (Pageat)

Dominant

Soumis

Ambivalent

Anxiété/dépression de l’animal

Soumis

Dominant

Ambivalent

« Sociopathie » (Pageat)

Soumis

Soumis

Ambivalent

Anxiété

Indifférent

Indifférent

Ambivalent

Anxiété

 

Dans ces exemples, le statut « dominant » de l’humain et de l’animal pourrait être un état de revendication. Dans ma vision idéalisée, un Dominant est un être charismatique à qui l’environnement fait déférence et non un être qui revendique – et parfois acquiert – un statut de façon proactive et/ou agressive ; ce dernier est un être généralement en réactivité contre son état (caché, inavoué, voire inconscient) de peur, d’incertitude, de mauvaise confiance en lui, de soumission au monde… Étant dans la réactivité et la revendication, le dominant-revendicateur recrée dans son environnement, par ses propres comportements (et croyances), des contraintes et des pertes de liberté (c’est à dire l’injustice dont il croit être victime), ce qui entraîne, chez ceux à qui il impose son pouvoir, une réaction d’intériorisation ou d’extériorisation dans la peur ou la colère. Ainsi est probablement créé un trouble de la hiérarchie.

Certains chiens et humains dominants revendicateurs sont en miroir, positif ou négatif, dans cette dynamique : dominant – dominant  ou dominant – soumis. Si on observe avec attention, on retrouve toujours des émotions de peur et/ou de colère, ce qui n’est jamais le cas en présence d’un dominant charismatique.

Les thérapies classiques des troubles de la hiérarchie participent de cette dynamique de revendication : c’est le chien qui va subir la RSD et non l’humain, c’est l’humain qui revendique le droit au pouvoir, malgré ses incompétences éventuelles dans ce domaine ! C’est une des raisons pour lesquelles je propose des modèles alternatifs d’interprétation et des thérapies corollaires. 

 

Groupes de chiens

Le diagnostic de problème hiérarchique est souvent posé dans les groupes de chiens pour expliquer les combats intragroupes et, même parfois, intergroupes. Il me semble exagéré d’envisager l’hypothèse hiérarchique entre chiens non cohabitants, appartenant à des groupes différents. Si le modèle de la hiérarchie est applicable, c’est, pour moi, entre individus cohabitants ou se rencontrant fréquemment.

Je ne mets pas en doute la validité du modèle des troubles de la hiérarchie entre chiens, même si je pense qu’ils sont surdiagnostiqués, les chiens incriminés présentant souvent une pathologie personnelle (dyssocialisation, trouble de l’humeur, trouble émotionnel, trouble de la personnalité…), rendant inapplicable toute idée de hiérarchie.

 

Groupes de chats

Je trouve l’hypothèse de trouble hiérarchique peu applicable aux groupes de chats, la plupart des problèmes intragroupes étant liés à un manque d’activité des chats ou à des troubles personnels.

 

Discussion sur l’utilité des modèles hiérarchiques

La hiérarchie est un modèle d’interprétation par l’homme d’un ensemble d’interactions sociales asymétriques. Ce modèle est anthropocentrique, donnant à l’homme autant le pouvoir d’observation, de modélisation et, également, lui attribuant le pouvoir de diriger, dominer et contrôler le groupe et ses interactions. Ce modèle entraîne l’élaboration de stratégies de changement pour rétablir l’homme en position de pouvoir lorsque celui-ci l’a perdu ou est menacé de le perdre. Ces propositions de changement sont parfois efficaces.

Cependant si le traitement est efficace, cela ne valide pas le modèle. En effet d’autres interprétations du traitement peuvent être faites. Dans le cas de la RSD (Régression sociale dirigée), on observe une meilleure prévisibilité des interactions qui pourrait, à elle seule, expliquer les résultats thérapeutiques.

Dès lors, on pourrait très bien ne pas s’encombrer du modèle, qui reste un paquet d’inférences logiques, c’est à dire des croyances, auxquelles on pourrait opposer d’autres croyances, tout aussi logiques et tout aussi non validées. Si on mettait de côté le paquet d’inférences, on se retrouverait avec une vision behaviouriste, efficace, mais apparemment réductionniste. Elle n’est réductionniste qu’en apparence puisqu’elle ne s’encombre pas des croyances pseudo-rationnelles d’un modèle hiérarchique.

 

A chacun d’utiliser les modèles qu’il préfère pour structurer sa vision du monde. Je propose cependant qu’on prenne cette structuration de vision pour une croyance et non pour la réalité. Je propose aussi de ne pas s’attacher exclusivement à une croyance mais d’utiliser différentes croyances en fonction des contextes, afin d’augmenter les stratégies et les performances thérapeutiques.

Les thérapies alternatives des troubles hiérarchiques

Préalables hypothétiques

Une constatation simple permet de se rendre compte que l’environnement donné par l’homme au chien (ou au chat) ne respecte pas ses besoins éthologiques d’activité. Mon hypothèse[vi] est que le chien, qui n’a pas de fonction (de job), va se chercher une occupation, quelle qu’elle soit. Il sera influencé pour cela par sa nature (chien de chasse, de garde…) et par son environnement. Le chien s’invente des activités. Mais, à la différence du loup dont les activités sont orientées par les impératifs de survie, le chien n’a plus de contrôle : il ne doit ni chasser, ni se défendre, ni se protéger des intempéries… Le seul contrôle du comportement du chien est l’éventuel pouvoir du propriétaire. Celui-ci devient dès lors primordial, dans notre culture.

Une seconde constatation est que le chien, animal social de type collaboratif (et non grégaire), n’a que très peu d’activités de coopération.

Il est logique d’imaginer qu’un chien, qui doit inventer une activité, choisira une activité qui satisfera ses besoins. La pyramide des besoins (motivations) de Maslow[vii] (même s’il elle est critiquée et remise en question) nous donne une idée du choix de besoin qui sera satisfait par l’animal désoeuvré. Je vous donne ici une adaptation personnelle en cinq niveaux[viii] : 

1.      Besoins de survie, biologiques, physiologiques : faim, soif, sommeil, …

2.      Besoins de sécurité : protection contre la douleur et le danger

3.      Besoins sociaux : appartenance à un groupe, recherche d’attention et d’appréciation, amour, sexualité

4.      Besoins psychologiques : estime de soi, réussite, connaissance, compréhension

5.      Besoins d’autoréalisation : beauté, création, transcendance des barrières d’identité.

 

Puisque les besoins de survie du chien sont satisfaits sans effort, le chien passe aux catégories suivantes, dans les activités de défense et de protection, dans les recherches d’attention et d’interactivité sociale. Par exemple, le chien peut s’inventer la défense d’un fauteuil, le contrôle des passages, etc. toutes activités qui peuvent être décodées d’une façon (soi-disant) dominante dans un modèle hiérarchique. La question est alors : « et si le chien, au lieu de chercher du pouvoir, cherchait simplement de l’occupation ? » Si c’est vrai, alors, donner au chien une activité sociale coopérative, permettrait de réduire le problème. C’est en effet ce que je constate en clinique.

 

Prévention et thérapie

La prévention de nombreux problèmes, y compris des problèmes de relation intégrés dans le modèle de la hiérarchie, peut passer par la réalisation d’activités coopératives avec l’animal (le chien particulièrement). Un exemple de ce type d’activité est l’apprentissage de trucs de cirque, ce que j’appelle des activités intellectuelles (avec renforcement positif). Un chien peut assimiler jusqu’à plus de 200 codes de conditionnement pour des actions ou des objets. Tout ce qu’il faut faire, c’est de les lui apprendre et, ensuite, de les utiliser quotidiennement. J’ai constaté que ce type d’activité est plus de 10 fois plus fatigant que l’activité locomotrice ; dès lors le propriétaire qui veut s’investir dans une activité intellectuelle avec son chien ne doit pas craindre de devoir y passer toute la journée. (Voir ici)

Pour augmenter la motivation du chien à s’investir dans ce type d’activités, on peut le placer dans des motivations de survie, par exemple, en le gardant à jeun. Certains chiens de ma clientèle n’ont plus de repas mais seulement des récompenses à des activités intellectuelles organisées.

Les animaux qui sont dirigés dans des activités valorisantes n’ont plus guère l’envie de s’inventer d’autres activités même s’il s’agit de la défense d’un fauteuil ou d’un passage.

 


Activités de dérivation chez une louve dans un parc (Ely, Minnesota) 

Thérapie des agressions

J’ai parlé antérieurement[ix] de différentes techniques pour prévenir et traiter les agressions compétitives :

  • Refuser l’agression

  • Désamorcer l’agression et rediriger le comportement dans le jeu

  • Renforcement positif des comportements alternatifs

  • Etc.

 Je n’y reviendrai pas ici.

 

Modifications des privilèges

 Actuellement, je ne propose plus de modification des (soi-disant) privilèges ; mais, bien entendu, je propose de clarifier la communication et d’éviter au maximum les ambivalences.

 

Modification de la croyance hiérarchique

Je propose aux propriétaires d’imaginer d’autres explications aux comportements animaux que celles qui proviennent du modèle hiérarchique. De cette façon, ils ont plus de choix de solutions : ils peuvent garder le modèle hiérarchique et envisager le modèle de motivation-coopération et, ensuite, élaborer des expériences de changement et tester ce qui est efficace pour eux et ce qui ne l’est pas.

 

Conclusions

 

Il est possible d’envisager des modèles alternatifs pour comprendre les comportements des animaux, antérieurement modélisés comme hiérarchiques. Ces modèles alternatifs permettent d’envisager des traitements alternatifs efficaces.

Références 

 

 

Notes 

  • [i] C’est une revendication de contrôle par les humains qui sont sans cesse … soumis dans leur vie (à leur patron, leur conjoint, l’opinion des autres, les lois, les références, les règles de société…). C’est comme une récupération de son pouvoir de contrôle redirigé aux dépens des chiens.

  • [ii] On peut observer des chiens qui possèdent tous les soi-disant critères du dominant et qui obéissent très bien.

  • [iii] Avec les risques d’accroissement d’agressivité du chien revendiquant ses privilèges perdus…

  • [iv] Ce qui, dans certains cas, mène à la dépression (détresse acquise), le chien vivant dans un système de contraintes, d’emprisonnement, dont il lui est impossible d’échapper. 

  • [v] Statut indifférent signifie ici que l’individu n’a aucune préoccupation hiérarchique, ce qui est fréquent chez le chien, quasi généralisé chez le chat, et inhabituel chez l’humain.

  • [vi] Non validée, mais tellement logique.

  • [vii] Maslow A. Motivation and Personality. Harper and Collins, New-York, 1970. In Miller, Rollnick ,p. 285.

  • [viii] Dehasse J. Mon animal a-t-il besoin d’un psy ? Odile Jacob, 2006.

  • [ix] Dehasse J. Le chien agressif, Publibook, Paris 2002.

 

© Dr Joël Dehasse - www.joeldehasse.com 2006-05-08